Qu’est-ce qu’une toiture biosolaire ?
Un toit biosolaire c’est la combinaison d’une toiture végétalisée présentant une biodiversité et de panneaux solaires. On n’utilise délibérément pas le terme “toit vert”, car, trop souvent, il ne va pas de pair avec la biodiversité. Pour que la toiture présente une biodiversité, il faut mettre en place différentes couches d’un substrat biologiquement actif et d’origine locale. Plus le paysage de la toiture est varié plus on accueille de biodiversité parce qu’on crée des habitats variés pour des espèces différentes. Il est aussi important d’inclure des structures écologiques comme des tas de bois, des buches, des tas de pierre et des mares temporaire.
En quoi consiste la synergie entre les plantes et les panneaux solaires sur le toit ?
Les panneaux solaires sont des éléments qui attirent et retiennent beaucoup de chaleur et qui la rejettent en contribuant ainsi à la création d’ilots de chaleur urbains. Le grand avantage de la combinaison des plantes et des panneaux solaires est la baisse de la température autour des panneaux grâce à l’évapotranspiration de la végétation. Cet effet, très logique, est confirmé par les entreprises de panneaux solaires.,
Les panneaux, par le phénomène de condensation et l’ombre qu’ils projettent sur les plantes, permettent au substrat de retenir plus d’humidité que dans le cas d’un toit végétalisé standard. Devant les panneaux, on évite les espèces qui poussent trop en hauteur, pour qu’elles ne fassent pas de l’ombre aux cellules photovoltaïques : on choisit plutôt des espèces couvrant les sols qui ont besoin de moins de substrat et attirent moins de biodiversité. Derrière les panneaux, par contre, là où l’épaisseur du substrat est plus grande, on plante ou on ensemence des espèces avec un feuillage (ou des tiges) plus haut et plus dense. Ainsi, on crée des microclimats et des milieux attractifs pour la faune.
Qu’est-ce qui détermine la réussite de la symbiose ? Quels sont des facteurs à prendre en compte ?
La première chose vraiment cruciale est la planification en amont de ce type de la toiture. Il est important d’avoir tous les acteurs autour d’une table. La raison la plus fréquente des échecs est le manque de communication entre les différents corps de métiers. L’exemple de Beaulieu à Lausanne nous montre qu’une bonne organisation des travaux est indispensable. Là-bas, la toiture a été d’abord végétalisée et les panneaux solaires ont été mis une année plus tard. Il a donc fallu enlever le substrat, ce qui a détruit une partie de l’activité biologique, sans parler des dépenses inutiles en temps et en argent.
La planification en amont concerne tous les projets qui intègrent la biodiversité. Si on ne la prend pas en compte dès le départ, on a peu de chances d’avoir un bon résultat.
En ce qui concerne la conception, pour réussir, nous devons toujours adapter la végétation aux panneaux solaires. Même si parfois les panneaux ne sont pas assez inclinés, on arrive à trouver des espèces appropriées pour avoir l’effet de rafraîchissement souhaité.
Deux choses très importantes sont à contrôler également : la capacité porteuse de la toiture, car les panneaux solaires sont déjà très lourds et l’étanchéité de la toiture. S’il n’y a pas d’indication de fuite, la végétalisation ne demande pas de démontage des panneaux ni d’amélioration de l’étanchéité.
Reste aussi toujours la question de savoir qui est responsable du design de la toiture : le technicien ou les paysagistes ? La bonne conception d’une toiture végétalisée passe par une sorte de projet paysager pour lequel une connaissance des plantes et du substrat est nécessaire.
Comment les systèmes biosolaires évoluent-ils dans le temps ?
Une toiture végétalisée avec ou sans panneaux solaires est un milieu extrême : très sec et pauvre en nutriments. Sa mise en place et le développement d’une activité biologique prennent du temps. La décomposition de la matière organique est donc faible et lente, mais il y a toujours une petite couche d’humus qui maintient l’équilibre. Au fil du temps, on observe un entassement léger du substrat, mais il n’y a pas besoin d’en rajouter. Au contraire, ajouter quelque chose signifierait additionner des éléments nutritifs qui changeraient complètement le milieu. De ce fait, on évite toute intervention non nécessaire. Si les plantes continuent à pousser, à germer, cela veut dire qu’il y a assez de nutriments et que le système fonctionne et s’autorégule.
Les toits biosolaires nécessitent-ils un entretien particulier ?
Leur entretien est souvent considéré comme complexe, car ils demandent l’engagement de compétences diverses. Mais une entreprise en Suisse allémanique a résolu ce problème d’une manière très simple. Les panneaux solaires demandent des contrôles 1 à 2 fois par an. Le technicien qui s’en occupe a été formé pour contrôler aussi l’état de la végétation et, depuis 20 ans, ils fonctionnent comme ça. Pas besoin d’être botaniste pour cela. Il s’agit de distinguer les espèces moins désirables, de vérifier si les voies d’écoulement ne sont pas bouchées, etc. Ce qui est primordial, c’est de sortir des sentiers battus – l’impossible n’est que dans nos têtes.
Au niveau de l’investissement, si on pose des panneaux solaires sur la toiture, au bout de 4 à 5 ans la toiture végétalisée est remboursée.
Quel est l’importance des toitures végétalisées pour la biodiversité ? Est-ce que ces milieux sont capables d’attirer aussi des espèces menacées ou plutôt des espèces généralistes ?
Il est vrai que dans les zones denses, urbanisées, elles donnent plutôt leur chance aux espèces généralistes. Mais, pour moi, la question principale est de favoriser la biodiversité.
Faut-il protéger uniquement les espèces menacées aujourd’hui ou également celles qui le seront dans quelques années parce qu’on les considérait jusque-là comme généralistes ? Même le moineau, pourtant très commun dans les zones urbaines, est sous pression et subit un déclin dans la population. On sera peut-être étonnés dans quelques années en le marquant comme ‘légèrement menacé’.
Personnellement, je ne travaille pas sur des espèces cibles, mais sur la mise en place de milieux avec des espèces indicatrices de ces milieux. Le vanneau huppé, qui se trouve sur la liste rouge en Suisse, était pour moi une exception. Nous avons observé qu’ils choisissaient des toitures en graviers pour nicher. Nos interventions étaient très subtiles. Elles consistaient à travailler sur l’épaisseur du substrat pour amener un peu de la variété et ainsi de la nourriture, sans trop changer cet espace ouvert et sec qu’ils ont choisi eux-mêmes. Dans le cas des vanneaux, nos travaux ont donné de bons résultats, mais, en général, les espèces spécifiques sont rarement attirées pas nos mesures, comme on l’imagine et espère. Plusieurs recherches ont démontré que des mesures prises pour des espèces spécifiques ne fonctionnaient pas pour celles-ci, mais pour d’autres espèces – ce qui est aussi important, car la biodiversité, c’est la diversité des espèces, des milieux et des gènes.
En mettant en place des milieux variés on accueille d’abord une diversité d’insectes et d’araignées qui sont extrêmement importants, car ils se retrouvent en bas de la chaine alimentaire. Au fil du temps, leur présence attire par exemple des oiseaux. En même temps, des exemples sur la ville de Bâle prouvent que beaucoup d’insectes en voie de disparition, qui exprès cherchent des milieux secs et extrêmes, ont été observés sur des toitures végétalisées.
La stratégie consiste donc à se concentrer sur la quantité, la qualité et la variété des milieux et à penser à la chaine alimentaire de la faune. Pour cela il est nécessaire de faire appel aux experts qui comprennent les interactions entre les espèces.
Pourquoi la combinaison de panneaux et de toits verts, qui permet d’avoir les deux avantages en même temps, est-elle encore peu connue et ne domine-t-elle pas encore le marché ?
Nous nous sommes posés la même question dernièrement avec l’Association Suisse de Verdissement des Bâtiments. C’est eux qui ont créé la norme SIA 312 en 2013, dont une partie est consacré aux toitures biosolaires. C’est avec une grande frustration qu’on constate que la plupart des architectes en Suisse ne la connaissent toujours pas. Depuis sa publication, nous avons beaucoup travaillé sur sa diffusion au travers de cours ou d’une journée de partage de connaissance en Romandie. Les villes comme Bâle, Zurich ou Lausanne consacrent aussi un chapitre aux toitures biosolaires dans des documents destinés aux planificateurs, où ils expliquent comment concevoir un tel projet. Le retour que j’ai reçu de l’association m’a donc choqué et frappé. Nous nous interrogeons sur ce qu’il manque aux architectes pour qu’ils ne planifient pas la ville verte et bleue. Je ne crois pas qu’il leur manque d’informations. Peut-être le temps de s’informer, de se pencher dessus.
Le premier facteur est alors un problème de manque de connaissance du côté des concepteurs. Le deuxième est le manque de conscience qu’une telle solution existe parmi les acteurs de l’immobilier
A Zurich, en janvier, un centre d’information et de consultation sur les façades végétalisées financé par la ville va être mise en place. Tout le monde, des architectes aux propriétaires, pourra s’y informer. Peut-être un tel endroit consacré au sujet des toitures biosolaires pourrait aider à atteindre un public plus large ?
Un autre facteur possible est le fait de voir la norme 312 juste en tant qu’une nouvelle contrainte parmi d’autres exigences notamment en termes de production d’énergie. On y voit un conflit parce que nous n’avons pas l’habitude de penser à réaliser les deux ensemble.
Quels sont des principaux axes de recherches dans ce domaine actuellement ?
Le potentiel de recherche scientifique est important. Aujourd’hui, nous ne disposons pas des chiffres économiques, mais uniquement des pourcentages, des gains. Il est tellement couteux et complexe de mesurer les effets de la combinaison biosolaire qu’on ne le fait pas. Un des freins majeurs, c’est la multitude des types de panneaux solaires.
Jusqu’ici, nous avons seulement un exemple de toiture dans le climat tropical, fait par des Allemands, qui a démontré une augmentation de 8 % de la productivité d’énergie grâce à l’effet de l’évapotranspiration des plantes. Ce n’est pas comparable avec des panneaux en Europe, mais cela confirme le principe de fonctionnement. Pour l’instant, l’objectif est de mettre en place plus de surfaces biosolaires et de continuer l’observation empirique des exemples que nous avons pour persuader les gens que ces systèmes fonctionnent bien, même si on n’opère pas avec des chiffres exacts. Sur la base d’exemples de toitures qui ont déjà 10 ou même 20 ans, on peut constater que ce sont des systèmes très stables.