Qu’est-ce qui distingue votre entreprise dans le marché de chanvre ?
Premièrement, nous avons une approche beaucoup plus holistique que les chanvrières classiques. Notre ambition est de nourrir la santé à toutes les dimensions : celle des consommateurs, celle des producteurs et celle des sols. Le chanvre est une super-plante capable de couvrir les quatre besoins vitaux de l’humanité : se nourrir, se loger, s’habiller, se soigner. En outre, la recherche occupe une place très importante dans notre entreprise.
Pour l’instant nous produisons des graines, de l’huile et de protéines de chanvre. Notre deuxième champ d’activité en plein développement, est l’industrie de textiles et de plasturgie compostable. Depuis trois ans nous faisons des recherches notamment sur les possibilités de défibrage en long. Cela permet de profiter de la résistance extraordinaire des fibres au lieu de les affaiblir en coupant à travers. En 2024 nous allons pouvoir traiter la fibre dans notre usine. L’étape suivante sera peut-être le développement des matériaux de construction…
Votre entreprise met un accent particulier sur la qualité des sols pour des cultures de chanvre. En quoi consistent vos démarches ?
Effectivement, la qualité des sols est pour nous primordiale, car les qualités nutritives de nos produits sont notre priorité. Chez nous tout est bio. Nous avons une parcelle de trois hectares sur laquelle nous faisons des tests. En outre, nous travaillons avec les agriculteurs, qui décident de se convertir à la culture du chanvre en les soutenant dans la transition vers le bio. Notre base est une analyse des sols réalisée selon notre protocole par une compagnie en Australie. Ensuite, il faut savoir lire ces analyses, ce qui n’est pas du tout évident. Pour cela nous avons des spécialistes. À la base notre diagnostic, nous proposons aux agriculteurs des solutions à court, moyen et long terme et ensuite tout dépend de leur volonté. Souvent ils sont suspicieux et sceptiques au début, car les solutions proposées sont complètement innovatrices, mais les résultats dépassent leurs attentes. Ainsi, nous avons actuellement 250 ha et on double cette surface chaque année.
Quelles possibilités le chanvre offre-t-il dans le secteur de la construction ?
Le chanvre est une plante extraordinaire qui déjà maintenant offre un large éventail de produits, mais je suis sûr qu’il y a encore énormément à découvrir ! Parmi les produits disponibles déjà au marché il y a le béton de chanvre, qui est un mélange de chènevotte (l’intérieur de la tige déchiquetée) chaux et eau, pour lequel en règle générale on utilise la technique du coffrage. Le béton de chanvre n’est pas porteur – il faut toujours une ossature. La combinaison du chanvre et de la chaux empêche le développement de la moisissure. On peut aussi former des blocs de béton de ce mélange. Le chanvre est aussi un excellent isolant thermique et phonique, très résistant utilise comme un isolant en vrac pour le remplissage ou des enduits de finitions.
Nous sommes nous-mêmes actuellement en train de construire notre propre usine alimentaire en béton de chanvre. Le plus grand défi de notre projet, c’est que pour le stockage du chanvre, il faut maintenir la température d’un degré, ce qui est très énergivore. Notre bureau d’études estime qu’avec des propriétés thermiques du chanvre, la consommation électrique sera diminuée au moins 10 fois.
Quel est selon vous le plus grand défi auquel on doit faire face pour que l’utilisation massive du chanvre dans la construction devienne la réalité ?
Le plus grand défi est la méconnaissance du grand public de tous les potentiels de cette plante ainsi que ses propriétés. Quand les gens auront compris ce que propose cette plante, ils voudront l’utiliser, c’est juste du bon sens. Donc le gros travail consiste à informer ! Il y a aussi beaucoup de RD à faire dans le domaine des machines et pour récolter de chanvre et pour le transformer. En fonction de la destination des plantes – la paille, graines, fleures, masse végétale ou ses combinaisons, il s’agit des machines complétement différentes. Ces outils et les savoir-faire ont quasiment disparu du marché en raison de la diabolisation de cette plante, confondue avec la marijuana et des restrictions administratives imposées à la filière.